Non.
Je ne parle pas du réglage des jeux aux soupapes mais de la vérification de l'épure de distribution, ce qui n'est pas du tout la même chose.
C'est l'un des fondements de la mécanique des moteurs thermiques et j'imagine que cette notion s'est perdue depuis belle lurette avec la généralisation de la distribution par courroie crantée qui ne rend plus cette vérification nécessaire.
Pourquoi cette simplification? Parce que les courroies de distribution sont dimensionnellement très stables, ce qui n'était pas le cas avec les chaînes, qui avaient tendance à s'allonger avec le temps. On vérifiait donc l'usure des dents des pignons en mesurant le débattement de la chaîne entre deux dents du pignon et son allongement via le contrôle du positionnement exact de l'épure.
Dès qu'un des paramètres était hors tolérances, cela entraînait le remplacement de la chaîne et des pignons.
Or il se trouve — et c'est ce subtil mélange de traditions et de modernité que j'apprécie sur les Land — que nos moteurs ne sont pas tout à fait comparables aux moteurs modernes sur ce point : le montage adopté pour les deux poulies (pompe d'injection et arbre à cames) permet d'introduire un décalage angulaire entre la poulie d'entraînement et l'arbre de commande de l'organe considéré (pompe ou arbre à cames). En d'autres termes, le chronogramme de l'épure de distribution peut être ajusté de manière très précise.
Ou déréglé par un bricolo.
Vu le niveau de compétences très limité des gugus qui ont travaillé sur ce moteur, je n'exclus pas qu'ils aient été tripoter la poulie d'arbres à cames et décalé le chronogramme, d'où mon alerte à ce sujet.
L'objectif du contrôle est donc de vérifier que l'épure est bien calée.
Qu'est-ce qu'une épure? C'est un diagramme temporel, exprimé par rapport à différentes positions angulaires du vilebrequin, qui définit l'instant précis où les soupapes doivent s'ouvrir et se fermer. Le décalage ouverture/fermeture des soupapes est donné par l'usinage des cames ; par contre, le calage initial de ce chronogramme par rapport au vilebrequin peut être ajusté sur ces moteurs, exactement de la même manière (ce sont les mêmes poulies) que pour le point d'injection.
En d'autres termes, sur ces moteurs, même si les jeux aux soupapes sont conformes, le moteur peut cafouiller si l'épure n'est pas correctement calée et ce n'est pas parce que le repère de la poulie et celui du carter sont alignés que le réglage est bon.
Si je prends le cas du 300 Tdi, les valeurs caractéristiques sont :
- Admission : ouverture 16° avant point mort haut moteur
fermeture 42° après point mort bas
ouverture maxi 103° après PMH.
Et on a des valeurs différentes pour les soupapes d'échappement.
En principe, la tolérance angulaire théorique du chronogramme doit être inférieure à 4°
vilebrequin. C'est donc très précis.
Reste à trouver le montage permettant de vérifier que l'épure est correcte.
Curieusement, alors que le réglage angulaire est possible, la doc des moteurs modernes (200 et 300 Tdi) est muette sur ce point. Donc si vraiment l'épure est décalée, ça va être sportif de la recaler car il va falloir imaginer la procédure de contrôle en repartant des valeurs caractéristiques.
La procédure pour les anciens moteurs Land Rover existe dans la doc ; elle est assez gratinée comme toutes celles de son espèce. J'en ai donc mis une autre, pas vraiment plus simple mais un peu plus documentée, histoire de visualiser de quoi il retourne :
La finalité de tout ce cirque est donc de vérifier qu'une des soupapes s'ouvre à une position précise du vilebrequin (donc d'un piston) par rapport au PMH (ou PMB). Sur le moteur qui me sert d'exemple, il est préconisé un jeu particulier sur un des culbuteurs afin de faciliter la vérification.
Si l'une des soupapes s'ouvre au moment prévu, les autres, commandées par les cames dont le chronogramme est immuable, feront évidemment de même. Le contrôle ne porte donc que sur une seule soupape.
En d'autres termes, la procédure résulte de calculs plus ou moins complexes réalisés par le constructeur du moteur qui prennent en compte l'épure d'usinage des cames, le déplacement angulaire du vilebrequin, la géométrie des culbuteurs et le débattement normal d'un comparateur.
On atteint donc un niveau relativement noble en mécanique générale.
Ne disposant pas toujours du support N° machin ou de la pige N°truc destinés à faciliter le boulot, j'ai eu l'occasion de réaliser ces contrôles en adaptant la procédure, mais cela a nécessité des calculs trigonométriques assez avancés.
L'exercice est assez exaltant et, surtout, permet de bien sentir comment tout cela fonctionne...
Voilà donc de quoi je parlais. J'espère qu'il ne sera pas nécessaire d'en arriver là mais il me semblait justifié d'appeler l'attention sur ce point, certes un peu ésotérique.