Je vais essayer
de vous faire part
de ma vision des choses sur le Detroit.
Son fonctionnement tout d'abord.
D'après ma doc, pas spécialement claire non plus
, on recense cinq montages possibles produits par Tractech Inc (produit dénommé NoSpin). Leur principe fait appel à un plateau à cames commandant un moyeu à crabots, permettant le débrayage
de l'un des demi-arbres.
Sur la photo que nous montre Philippe, on distingue nettement ce plateau ; c'est la plus grande pièce et les cames (on
en dénombre 15) sont intactes. On voit bien leurs flancs arrondis facilitant leur glissement (came lifting), contrairement aux crabots (ou tout au moins ce qu'il
en reste) qui sont taillés à l'équerre comme les créneaux d'un château fort...
Si mon texte ne suffit pas, je peux mettre une flèche sur la photo.
On remarque également des fentes (3) qui sont
en fait des lumières dans lesquelles s'engagent trois pièces mâles
de l'anneau d'entraînement (la pièce cassée
en deux).
Le système se comporte comme un verrou autorisant un débattement angulaire très précis d'une pièce par rapport à l'autre.
En fait, cette course est suffisante pour permettre à l'anneau d'entraînement (qui comporte aussi des cames)
de s'élever le long des cames du plateau, désolidarisant ainsi les deux pièces.
Mais cette élévation ne se fait pas n'importe comment ; pour
en cerner le fonctionnement, je vous propose la modélisation suivante :
imaginons un observateur situé sur la couronne
de notre
pont, supposé muni d'un différentiel classique, et qui, par conséquent, tourne avec elle.
En ligne droite, les deux demi-arbres lui semblent immobiles.
En revanche, si le véhicule s'engage dans un virage, il va voir le demi-arbre du côté intérieur tourner légèrement dans un sens et le demi-arbre du côté extérieur tourner exactement
de la même valeur,
mais dans l'autre sens.
Mettons que le demi-arbre côté roue intérieure ait tourné
de 3 degrés, l'autre a tourné aussi
de 3 degrés. Pour notre observateur, un arbre a reculé
de 3 degrés alors que l'autre a avancé
de 3 degrés.
S'il n'y avait pas d'effet différentiel, nos demi-arbres seraient soumis à un couple
de torsion directement proportionnel à leur adhérence. A la limite, on pourrait obtenir un beau vrillage, comme ceux que font les artisans qui réalisent ces beaux garde-corps
en fer forgé...
Imaginons que notre observateur soit sur le plateau à cames du Detroit. Supposons qu'un cliquet ou une butée interdise à l'arbre côté intérieur
de reculer mais que rien n'interdise à l'autre arbre d'avancer à sa guise.
Supposons encore que notre arbre soit muni d'un plateau à cames qui s'appuie directement sur le plateau
de notre Detroit.
En avançant
de quelques degrés, notre arbre va inexorablement se trouver repoussé vers l'extérieur par les cames au fur et à mesure qu'il va avancer.
En fait, le verrou/cliquet est constitué
de l'ensemble lumières + pièces mâles et le plateau à cames est constitué des rampes
de cames du plateau et
de l'anneau d'entraînement.
Sous l'effet du couple moteur transmis par la couronne, le cliquet se positionne
de lui même (
en fait, il est
en butée)
de telle sorte que tout mouvement
de recul soit impossible ;
en revanche, la course angulaire autorisée par les lumières est suffisante pour permettre à l'arbre qui veut avancer
de le faire, permettant ainsi au plateau à cames
de s'élever suffisamment pour débrayer les crabots, libérant toujours le même arbre, le seul qui puisse avancer, c'est à dire celui entraînant la roue extérieure au virage.
A partir du moment où il y a un mouvement relatif d'un arbre par rapport à un autre, le Detroit décrabote la roue qui "avance". A la condition, et elle est
de taille,
que le couple moteur qui passe à cet instant par les crabots ne contrarie pas ce mouvement.
Dit autrement, je ne suis pas du tout persuadé qu'
en pleine accélération sur des rapports assez courts, genre 2 ou 3ème longue (giratoire négocié "virilement"
en particulier) le décrabotage puisse se faire suffisamment vite. S'il ne se fait pas, des forces captives importantes prennent le relais (à partir
de ce moment, on a un mécanisme qui se comporte quasiment comme un dif à blocage commandé) et le montage est complètement bloqué
en raison
de l'effort intense qui passe par les crabots.
En fait, c'est exactement le même problème qu'un dif central qui ne se décrabote pas parce qu'un trop fort couple règne dans son anneau
de crabotage.
Les contraintes sont évidemment très importantes, d'où les bruits bizarres émis par le Detroit quand les crabots finissent par se déverrouiller.
Je suis également très dubitatif sur la progressivité et la sensibilité du système :
en effet, probablement afin d'éviter des décrabotages intempestifs, les cames me paraissent très raides. Donc le décrabotage n'intervient que sous un couple significatif (je parle du couple qui transformerait nos demi-arbres
en pièces
de garde-corps, bien sûr) ce qui peut poser problème
en cas d'adhérence très faible, sans parler
de la fatigue des arbres.
Ensuite, il y le pas (distance séparant deux crabots voisins) des crabots eux mêmes ; il ne faut pas perdre
de vue que sur route, les satellites et les planétaires d'un différentiel classique sont animés
de mouvements très lents et surtout très faibles. Pour situer les idées,
en parcourant un virage d'un rayon
en plan
de 150 mètres, ce qui est très serré
en tracé routier (sur autoroute, les rayons sont largement supérieurs à 1 000 mètres) chaque demi-arbre va parcourir un tout petit degré
en moins (et son compère un petit degré
en plus) par mètre que parcourt le 4x4 dans le virage.
Valeur à comparer au pas d'implantation des crabots.
Et sur des routes correctement tracées où les entrées
en virage se font au moyen
de clothoïdes (nom
de la courbe mathématique qui permet le passage
en douceur d'un alignement droit, assimilable à un cercle
de rayon infini, à un cercle
de rayon fini) ce qui, au final, permet au conducteur
de braquer régulièrement et progressivement lors
de l'inscription
en courbe, les mouvements du différentiel sont encore plus faibles.
Sur des routes
de ce type, je pense que ce genre
de système pose
de sérieux problèmes
de stabilité
en courbe, sans parler du fait qu'on débraye purement et simplement une roue
en plein virage, ce qui conduit à perdre l'une des propriétés les plus remarquables d'un dif classique : la répartition constante et identique du couple moteur sur chaque roue.
Un 4x4 qui crapahute se fout éperdument
de tout ça ;
en revanche, pour un usage mixte, ça se discute.
Enfin, lors d'un très fort croisement
en montée et
en ligne droite, nos arbres tournent à la même vitesse. Si une roue ne touche plus le sol, c'est la même chose puisque le décrabotage d'un demi-arbre n'a pas pu se produire, l'adhérence mobilisée au sol n'ayant pas pu obliger un arbre à ralentir et l'autre à accélérer. Le Detroit ne se débraye donc pas, autorisant des biais
de couple infinis (une roue au sol, l'autre
en l'air).
C'est pour cela que j'assimile le fonctionnement d'un Detroit à celui d'un ARB ou d'un MaxiDrive ; j'y ai donc appliqué les mêmes règles
de calcul.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, lors
de très forts croisements, le déséquilibre des efforts dans les demi-arbres est le même pour les deux familles, d'où les résultats que j'ai présenté ci-dessus.
Voili, voilu.